mercredi 4 mars 2015

#LTConsult

Petit aperçu d'une après-midi de consultation...

Patient n°1 : ancien grand préma de 6 mois, qui déménage sur la région. Nécessite des injections de Synagis (un genre de vaccin contre la bronchiolite réservé aux enfants fragiles et exclusivement fait à l'hôpital) et quelqu'un pour reprendre le suivi. Consultation conjointe avec la psychomotricienne programmée depuis 1 mois, plage de 1h réservée.
15 min après l'heure du rendrez-vous, toujours personne. Pensant que la maman est perdue dans les méandres des étiquettes et de la pharmacie hospitalière, j'appelle sur son portable. "Qui ça ? Ah oui ! Ah zut j'ai oublié de vous prévenir, on n'a pas déménagé finalement..." Poin, poin, poin, poiiiinnn...

Qu'à cela ne tienne, ça me laisse du temps pour remplir le PAI (Projet d'Accueil Individualisé) d'une autre patiente. De la paperasse et des certificats pour expliquer à une directrice d'école que c'est pas la peine de forcer une fillette de 3 ans, allergique aux protéines du lait de vache, à finir tous ses yaourts à la cantine, surtout si ça la fait vomir... (Chez certaines personnes obtuses, la paperasse doit remplacer le bon sens manquant...)

Ah tiens, patient n°2 n'est pas là...

Patiente n°3 : 3 mois, cardiopathie et retard de croissance. Injection de Synagis aussi. L'écho coeur est mieux, elle grossit doucement. En revanche, pas beaucoup d'évolution dans son éveil depuis le mois dernier... A revoir le mois prochain en espérant ne pas lui trouver un syndrome à la con...

Ah tiens, patient n°2, 4 mois, est arrivé avec 45 min de retard ! La secrétaire me demande si je le vois quand même. Vu que c'est un ancien préma qui nécessite lui aussi une injection de Synagis, je lui dis que oui, mais j'explique au père que je ne vais faire que la piqûre, et qu'on verra plus tard pour la consultation parce que là il a beaucoup de retard et que j'ai d'autres patients qui attendent...
"Ah, parce qu'il a la fièvre et il tousse, quand même"... En déshabillant l'enfant pour le peser, effectivement, il respire comme une savate et n'a pas un super teint. Injection, appel des urgences pour lui organiser prise de sang et radio, négociation avec le collègue pour qu'il gère la suite des opérations. Voilà pour la petite piqûre vite fait entre deux... (Au final, radio pourrie, enfant hospitalisé)

Patient n°4 : 3 ans, vu aux urgences le mois dernier pour une bête angine avec une constipation importante. Angine traitée, rendez-vous pris pour parler de la constipation plus tranquillement qu'un samedi soir 20h au milieu du bazar. En prenant le temps, je découvre que c'est un jumeau, ancien préma, constipé depuis la naissance, avec des fécalomes importants. Il a aussi un probable retard de langage. Traitement mis en place, à revoir dans 3 mois pour suivre l'évolution...

Patiente n°5 : 15 mois, ancienne préma. Marche depuis le mois dernier. Se dandine partout et met le bazar dans mon cabinet avec ses petites lunettes roses sur le bout du nez, en me racontant des tas de trucs auxquels on ne comprend rien... :) Disparition complète de son hypertonie, on échange avec les parents sur leurs souvenirs de néonat. Heureusement quand même qu'elle était là, ça a un peu sauvé mon après-midi !




mercredi 4 février 2015

CREF

CREF... ou Contrat de Retour à l'Equilibre Financier. Mais CREF c'est son petit nom. C'est devenu la marotte des administratifs, leur bonne raison à opposer à toutes les demandes en agitant l'index d'un air faussement peiné "Tutututtt... Peut pas. CREF."

Le CREF permet de refuser des postes supplémentaires, de geler les investissements, de mettre les mamans de la maternité dehors un peu plus vite, c'est bien le CREF. Plus récemment, le CREF (c'est toujours lui, hein, jamais un(e) personne de la haute administration ne prend la responsabilité, c'est le CREF) a décidé qu'il fallait aussi réduire les dépenses de bouche. Ainsi donc, voici quelques exemples des nouvelles dotations pour le service de pédiatrie en ce qui concerne les repas autres que ceux fournis par la cuisine centrale :

Pour 13 lits (voire 14 ou 15 mais on le dit pas parce que c'est pas légal même si ça fait de l'activité en plus...) /mois
- 34 litres de lait 1/2 écrémé
- 79 biscuits (même pas top, les biscuits, des galettes St Michel quoi...)
- 150 boites de céréales individuelles

Récapitulons : par jour, pour 13 à 15 enfants
- 1,13 litre de lait 1/2 écrémé soit moins de 100 ml / enfant (un petit verre quoi...)
- 2,6 biscuits par jour (z'avez intérêt à être sages les mioches, les deux meilleurs auront un goûter)
- 5 boites de céréales (non Kévin, toi c'est le mercredi et le samedi que t'as droit aux corn flakes)

Jusqu'à présent le service offrait le matin aux parents qui avaient passé une nuit (souvent chaotique) auprès de leur enfant un petit café avec des tartines et un sourire. Sauf que le pain est rationné, qu'il faut choisir entre le bol de chocolat ou le café pour verser le demi-verre de lait aloué, et que le sourire a tendance à se faire de plus en plus rare dans ces conditions...

Ne pas gaspiller, je veux bien. Essayer de raisonner les dépenses de santé, je suis pas contre. Mais pousser la mesquinerie à ce point... J'ose même pas imaginer ce que ça donne dans les services de personnes agées.

Sachant que par ailleurs des sommes folles se dépensent en logiciels pas-pratiquo-mal-ficelés pour l'Informatisation Du Circuit Médicament (les prescriptions électroniques, ça veut dire), ça me met en boule ! (Mais ceci est une autre histoire, qui peut-être sera contée une autre fois...)

mercredi 3 septembre 2014

La double peine

La double peine, c'est Monsieur Dragon qui fait la gueule parce qu'il réalise seulement que je bosse trois week-ends d'affilée en septembre, et qu'il doit gérer les dragonnets la veille et le lendemain de ses déplacements.

La double peine, c'est le pincement aigu au coeur quand Dragon2 lève les yeux vers moi et me demande "On dort à la maison aujourd'hui maman ? Tout le monde ?"

La double peine c'est quand la première chose qu'on réponde à la maîtresse est "Non, je n'assisterai pas à la réunion d'information"

Ca me pèse. Franchement.

mardi 26 août 2014

Paie tes vacances !

Pour la première fois depuis que je suis externe je crois, cet été j'ai réussi à prendre 4 semaines de vacances consécutives. Quatre semaines !
Pour la première fois depuis bien longtemps, du temps pour ne rien faire ou pas grand-chose, ne pas courir toujours, découvrir ses enfants... Quel bien fou ça m'a fait !

Le revers de la médaille, c'est que le retour se paie cher. "Rien ne se perd, rien ne se crée..." c'est valable pour les gardes aussi : si y en a pas pendant 4 semaines, ben y en aura 4 fois plus les 4 semaines suivantes... Jours pairs, jours impairs, ça devient facile à se rappeler. Ah tiens y a même un jour où je suis seule au lieu de 4 habituellement.

Heureusement que la pédiatrie est un spécialité saisonnière et que les urgences restent calmes (même si la maternité déborde), mais même comme ça, il parait bien loin le bénéfice des vacances...

Le plus rigolo dans l'histoire, c'est qu'avec toutes les plages additionnelles que j'accumule (c'est à dire les heures sup en plus des 48h hebdomadaires - oui, un médecin ça bosse de base 13h de plus qu'un quidam moyen, c'est comme ça), ben j'aurais de quoi en reprendre plein, des vacances... Enfin... Si je pouvais quoi.

mercredi 9 juillet 2014

Les Sans-Gêne

Y en a partout, y en a tout le temps.
Rien qu'aujourd'hui, j'en ai cumulé trois dans la même journée...

N°1 frappe à la porte du bureau de consultation de maternité en pleine matinée, demande à parler au docteur, c'est urgent. Intriguée, la puéricultrice la fait entrer après l'examen du nouveau-né en cours. Madame entre, cosy au bout du bras. "Je suis sortie y a 10 jours et là j'avais rendez-vous pour ses oreilles, mais il a des coliques, docteur c'est affreux, faut que vous le voyiez tout de suite..."
Allo ? Non mais allo, quoi...

N°2 c'est un appel très embêté de ladite puéricultrice sur mon portable perso à 13h15 alors que je suis en train de manger pour dire : "Tu sais, la dame du tant qui voulait pas sortir ce matin... Ben elle a changé d'avis, il faudrait que tu la voies..." Mais bien sûr, mes consult commencent à 13h45, je suis à peine à table, j'ai que ça à faire bouffer avec un lance-pierre pour que les dames de ménage puissent nettoyer les chambres avant 16h... Pour couronner le tout, pas la sortie pépère mais un ttt et un suivi à organiser.

N°3 je devais les voir en consultation, justement. Enfin moi j'avais dit que c'était plus forcément nécessaire mais ils avaient insisté pour me revoir quand même, alors je les avais casés à 13h45, avant le début des consult "officielles". Ils ne sont jamais venus. En soi, c'est pas si grave, sauf que s'ils avaient pris la peine d'un coup de fil, j'aurais eu le temps de manger, j'aurais pris plus de temps avec les parents d'avant, et puis c'est de la simple politesse, tout bêtement.

Ce sont ces 1001 petites choses qui font lentement un travail de sappe, qui effritent jour après jour l'humeur jusqu'à faire des médecins de vieux cons acariatres. Combien de temps encore avant que j'envoie bouler n°1, au lieu de lui expliquer calmement que ce n'est ni le lieu ni le moment et de lui détailler la marche à suivre (avec au passage un cours sur les coliques) ? Combien de temps avant que je gueule sur la puéricultrice (qui n'y est pour rien) en lui disant que la dame sortira demain point ? Jusqu'à quand vais-je accepter de bousculer mon planning pour des gens qui au final n'en n'ont rien à foutre ?


vendredi 27 juin 2014

Syndrome de la maman Lambda

Je ne sais pas si ça n'arrive qu'à moi, je suis atteinte du syndrome de la maman Lambda.

C'est à dire que quand le panaris de Dragon1 de pas jo-jo devient moche puis vraiment moche malgré mes soins dévoués et que je me résigne à lui faire une ordonnance d'antibio, je suis incapable de le dire à la pharmacienne.
A la place, je réponds sagement à toutes ses questions ("oui, je connais", "non, il n'a pas d'allergie"), je hoche doucement la tête quand elle me détaille sur la boite le 3-fois-par-jour-avec-la-pipette, et je dis poliment "Merci madame" en repartant...
J'ai jamais été fichue de claquer ma carte de médecin sur le comptoir en hurlant à la cantonade "Vous me mettrez deux flacons de Machin !" (il parait qu'on peut le faire, hein, que même sans le sésame magique du petit papier tamponné ça marche... J'ai jamais vérifié, je sais pas...)

Pour ma défense, à ce jour, seulement deux personnes ont tiqué que le nom du docteur et le nom de la Carte Vitale était identiques (et là, oui, j'ai rougi un peu et avoué que j'étais médecin)

Je ne sais pas pourquoi au juste. C'est pas une honte, je fais rien de mal. Je ne pense pas abuser d'un système où la seule chose que je gagne c'est ne pas avoir à prendre rendez-vous. Juste, je veux pas me démarquer.

Et puis c'est assez marrant des fois, je me souviens avec émotion de mon premier bain en maternité, où l'élève auxiliaire m'expliquait avec grand sérieux des tas de choses que je savais déjà sur les bébés, mais que quelqu'un prenne le temps de le faire pour moi, ça m'avait curieusement touchée.

Des fois je me demande si je suis pas un peu cruche, de jouer comme ça à la maman Lambda...

mercredi 25 juin 2014

Syndrome d'épuisement professionnel... et familial

Aujourd'hui, mes 39°C, mes grosses amygdales ma petite tension et moi restons à la maison. C'est rien qu'une bête angine (enfin, au moins une angine d'homme quand même) mais c'est la troisième en 2 mois, moi qui n'avait rien fait de bien méchant depuis ma première année d'internat...
J'ai même été consulter, c'est dire ! Et la jeune généraliste que j'ai vu a hoché la tête avec un peu de peine dans les yeux quand je lui ai expliqué mon rythme de vie.

Est-ce lié, ne l'est-ce pas, depuis que Monsieur Dragon a failli nous emmener tous en Irlande, je me pose des questions sur mon exercice professionnel. Finalement, passé le premier choc, je crois que j'aurais été soulagée de devoir pour un temps être mère au foyer. M'arrêter de bosser.

Ca ne fait pas encore un an que je suis arrivée à NouvelHôpital que déjà je déchante... Les beaux projets qu'on me faisait miroiter n'ont pas vu le jour, les choses qui marchaient bien ne marchent plus l'administration refusant de financer 1/2 poste d'infirmière 5 jours / semaine, les gardes s'enchainent, les périphéries se désertifient et il ne se passe presque plus un jour sans que nous mutions à GrosCHU parce que le radiologue peut pas faire l'echo / l'anesthésiste refuse d'endormir / le psy a démissionné et personne pour le remplacer.
Je vois pas comment ça peut mieux aller. Je comprends pas qu'on nous harcèle pour 3 RUM (Résumé Unité Malade : ça veut rien dire, c'est juste des codes à mettre dans des cases pour que l'hôpital soit payé) en retard, et qu'on réponde à nos difficultés par "Parlez-moi en euros..."
Je veux dire tout le monde est d'accord que la nouvelle gouvernance c'est une catastrophe, mais chaque mesure prise ne fait que couler le navire un peu plus vite...

Et puis la ministre, elle a dit qu'il fallait que chaque enfant ait un médecin traitant. En pratique, je pense que c'est déjà le cas pour bon nombre d'entre eux. Pour les autres, je ne sais pas si avoir un MT ou le tiers payant généralisé les empêchera de venir engorger les urgences avec leurs bobos...
Du coup, ça me trotte dans la tête, de m'installer. Plus de gardes, plus de week-ends, plus de jonglages de ouf entre mon planning, celui de M. Dragon et ses déplacements, celui des GrandsParents Dragon.
Décider de mes horaires, même si ça veut dire gagner moins.
Après, c'est une autre activité. Un rythme sans doute beaucoup plus soutenu dans la journée, en tous cas plus régulier, de grosses journées en hiver. L'impossibilité d'appeler les collègues pour leur dire que ton 39 et toi vous restez à la maison. Plus de néonat même si je peux continuer le suivi de prémas par le biais du réseau de périnatalité. Davantage de suivi, de vaccins, de nez qui coulent.

Qu'est-ce que ça apporte un pédiatre en ville ? Quand on lit tweeter, quand on parle à des internes en MG, on dirait qu'un pédiatre de ville c'est jamais qu'un MG qu'aurait fait l'impasse sur tout le reste du programme.
M'enfin quand même, je m'interroge. Je reçois toutes les semaines des enfants adressés par leur MT en consultation, c'est bien qu'il y a des points sur lesquels on peut aider, non ? Ou est-ce qu'en passant libéral on devient Méchant Spécialiste juste bon à réclamer plus de sous pour la même prestation ?

J'ai pas encore franchi le pas. Je le franchirai, je pense, tôt ou tard, parce que je ne supporterai plus longtemps les instances hospitalières.
Je réfléchis à la pratique que je voudrais. Je me demande si la Maison de Santé Pluridisciplinaire d'à côté m'accueillerait à bras ouverts ou me refuserait tout de go parce que je viendrais voler les patients des gentils généralistes déjà présents.
J'y pense la veille de mes gardes, j'y pense les week-ends où je laisse M. Dragon qui fait la gueule et les dragonnets qui pleurent, j'y pense quand je dicte un courrier qui ne sera jamais lu mais qu'il faut que je le fasse quand même, j'y pense quand les mamans me demandent "mais vous, on peut pas vous revoir le mois prochain ?", j'y pense quand une jeune médecin généraliste installée hoche tristement la tête devant la presque vieille que je suis dont le système immunitaire n'arrive même plus à faire face à un bête streptocoque...