mercredi 18 décembre 2013

Les devoirs à la maison

J'ai jamais aimé les devoirs à la maison. J'aurais préféré les faire en classe et que la maison soit consacrée aux loisirs, aux jeux, aux bons moments.

Le truc, quand on est pédiatre et qu'on a des enfants, c'est qu'on va forcément, forcément ramener des devoirs à la maison. De préférence en pleine période de surmenage.
Puis des enfants, on en voit tant, des vraiment malades, qu'on fait moyen gaffe aux signes précurseurs...

Alors oui, quand Dragon2 a tout vomi tout partout dans la cuisine l'autre soir, je me suis dit que j'avais été idiote de lui filer une papillote avant le repas, et j'ai sorti ma serpillière.
Quand il a pleuré la nuit, ben c'est comme toutes les autres nuits, au bout de trop de levers-tétines j'ai fini par le prendre avec moi et "rendors-toi mon chéri".
Ce qui m'a mis la puce à l'oreille, à vrai dire, c'est quand il s'est réveillé pour vomir en jet dans mon lit (le dilemme en redressant un gamin à tâtons dans le noir : que sacrifie-t-on couette, drap, pyjama... ok, un peu des trois...) Et la conclusion qui s'impose vite : "Et merde..."

Pour aujourd'hui, vous réviserez : "prise en charge de la gastro chez l'enfant : points essentiels."

- SRO (Soluté de Réhydratation Orale) : check (2 bibs complets en moins de 3h, ça pue, sans mauvais jeu de mot)
- Surveillance du poids : check (alors là, je suis pas peu fière d'avoir pensé à le faire monter sur le pèse-personne après une des 3 douches de la journée...)
- Signes de mauvaise tolérance : absents. Il est rose comme un coucou, joue de bon coeur, s'interrompt en chougnant dès que la couche est sale, mange de bon appétit et re-vomit aussitôt dans son assiette (ambiance à table garantie...)

Ce que ne détaillent pas les questions d'internat, mais qui personnellement me ferait rajouter 2 points au candidat le mentionnant :

- une boîte de gants de bricolage jetable (en plus du soluté hydro-alcoolique, mais celui-ci est déjà éliminatoire à la question classique)
- un lave-linge de compet'
- un sèche linge (quel bonheur !! ma petite joie dans cet océan de bleuargh)
- une méga-réserve de couches (j'ai du en passer au moins 10 et la nuit ne fait que commencer...)

Ne reste plus qu'à prier pour que mes 25 lavages de mains et 12 désinfections de surface diverses parviennent à contenir l'agent pathogène en question histoire que Dragon1 ne la chope pas, ou pire, que la future consigne à domicile soit : "gastro-entérite infectieuse de l'adulte : symptômes et traitement"

Enfin, comme dirait Monsieur Dragon, dans tout ça y a un point positif : cette année au moins, il tombe pas malade le 23...



vendredi 11 octobre 2013

Le pédiatre et la mort

Le choix de la pédiatrie n'est pas un choix anodin. La pédiatrie, en médecine, c'est un peu le pays des Bisounours : des couleurs pastels, des nounours partout, des "petits" bobos, des "petites" piqûres (tout est petit en pédiatrie), des petits patients qui dans 80 à 90 % des cas vont bien évoluer et pouvoir continuer à enquiquiner leurs parents de nombreuses années.

La pédiatrie c'est la vie, c'est être la première à féliciter un papa qui vient de connaître sa première frayeur de papa, c'est la naissance, l'espoir, le commencement.


Hormis quelques spécialités très pointues (ophtalmo, dermato peut-être, médecine du travail), je ne crois pas qu'il y ait de branche en médecine où l'on soit si peu confronté à la mort.
Et pourtant, comme le soulignait Robert Merle*, la mort est là, et elle gagne toujours à la fin.

Toutes les morts sont tristes, mais elles revêtent un caractère encore plus tragique, encore plus injuste, quand elles touchent un enfant.
En tant que médecin, reste toujours cette interrogation lancinante "Qu'aurais-je pu / du faire de plus ? Y avait-il un moyen de le sauver ?"
En tant que maman, c'est faire face à la douleur d'autres parents, c'est se prendre dans la gueule cette réalité qu'on occulte que nos petiots peuvent partir à tout moment, c'est enfouir au fond de soi cette toute petite pensée égoïste et coupable "plutôt elle que moi" et avoir hâte de rentrer serrer ses petits chauds et vivants contre soi.

C'est faire face à son impuissance et devoir l'accepter.

C'est tellement dur d'accepter la mort d'un enfant, ce n'est pas dans la nature des choses, c'est pas comme ça que le monde devrait tourner.
Certains parents n'y parviennent pas, se retournent contre l'hôpital dans leur souffrance, demandent réparation, obtiennent des jugements.
Quel drôle de métier que celui de juge qui doit déterminer à combien s'élève la valeur de la vie d'un enfant, et le préjudice moral subi par un bébé confronté à la perte de chance de poursuivre sereinement ses jours... Comment peut-on mener des discussions de marchands de tapis sur la somme à verser pour le décès d'un enfant :
"- je t'en offre tant.
- ah non, il est tout petit, il savait même pas qu'il vivait.
- bon alors va pour tant... "
Ca me choque au plus haut point.


Non, le choix de la pédiatrie n'est pas anodin. Je crois que le pédiatre est un médecin qui encaisse mal la mort.



*"Ce combat perpétuel et malheureux du médecin contre la mort qui est l'état du médecin, et je crois, son honneur" Fortune de France.

mercredi 9 octobre 2013

Bilan du premier mois

Cher confrère,

J'ai donc revu en bilan votre petite patiente DrJal et il ressort de l'examen :

- bonne intégration dans l'équipe médicale, en bonne voie dans l'équipe para-médicale. Tâtonne un peu quand à ses fonctions réelles, rend service.

- trajet domicile-boulot assez rural, long mais pas insurmontable. Côté + : la vue sur le Mont Blanc au détour d'une colline. Côté - : les convois d'engins agricoles.

- aucune différence notable côté gardes : du boulot, du boulot, du boulot. Petite déception, on s'attendait à quelque chose de plus calme.

- pas de difficulté majeure à apprivoiser l'outil informatique, qui à part quelques côtés pratiques, a tous les défauts qu'on pouvait attendre.

- corollaire du tout informatique : peut envisager à tout moment de se reconvertir dans le secrétariat médical. Déjà plus efficace seule que deux des trois secrétaires présentes.

- a présenté quelques accès de nostalgie, se console en se faisant du thé dans son grand bureau bien rangé.

Somme toute, le bilan est donc encourageant. Potentiel à exploiter. DrJal ne doit pas avoir peur de paraître méchante de temps à autre et veiller à maintenir un équilibre personnel satisfaisant.

Cordialement,


jeudi 12 septembre 2013

Le docteur des docteurs

Ca y est, j'ai donc commencé à NouvelHôpital, et pour l'instant, on peut dire que l'accueil est chaleureux. Outre mes confrères, ravis après un été de lourdes gardes, de cette adjonction à leur équipe, tout le membre du personnel me souhaite la bienvenue, de la directrice des affaires médicales à la lingère...

J'ai un beau bureau, mes badges ont été faits en moins de 48h, j'ai déjà ma place de parking (rien qu'à moi, avec mon nom dessus, hein, c'te claaaasse ;) et j'ai même eu droit à une visite médicale d'embauche.

Oui, oui, de la vraie médecine du travail. Non parce que jusqu'à maintenant, la médecine du travail c'était surtout un formulaire recto-verso à remplir tous les ans pour avoir le droit de venir se faire piquer contre la grippe mais pas grand-chose de plus.

Alors une vraie visite médicale... C'est simple, si on ne compte pas les grossesses, ça ne m'était pas arrivé depuis 5 ans. Une vraie complète et tout, hein, avec même palpation de la thyroïde (la dernière fois, j'étais externe et c'était pour que ma coloc' révise son cours...), la tension (un chouille haute, tiens donc...) et tout.
Et puis quelqu'un qui sincèrement s'intéresse : est-ce que j'arrive à manger tous les jours ? comment je dors ? si c'est pas trop compliqué avec les dragonnets, les gardes, et Monsieur Dragon absent la moitié de la semaine ? si ça ne me dérange pas d'avoir laissé tomber la réa pour de la néonat plus "pépère" ?

Alors oui, on a revérifié les vaccins, mais c'était pas le plus important. Le plus important c'est que pour la première fois j'ai senti qu'il existait un docteur des docteurs, quelqu'un qui se préoccupe un peu de ma santé à moi, et que si un jour ça n'allait pas, ben je pourrais demander à la revoir pour qu'on en parle. Et rien que ça, ça fait du bien.

dimanche 8 septembre 2013

J-1

Eh oui, sauf que cette fois c'est J-1 avant de reprendre...

Le déménagement s'est globalement bien passé. En points négatifs, on totalise juste la perte de mon portefeuille (lié à ma blonditude et l'état de décrépitude avancé de mes neurones) heureusement compensée par l'honnêteté d'un gentil monsieur, et la fuite du chat (ça c'est moins glop, pauvre bestiole, faire tout ce trajet pour aller se perdre je ne sais où, ça valait pas le coup...)

Les dragonnets se sont super bien faits à leur nouvelle vie, Monsieur Dragon et moi-même patouillons encore un peu. C'est assez génial de voir ma soeur et mes parents quasi quotidiennement (même si je soupçonne que le rythme va s'alléger, avec la reprise de nos vies respectives).

Moi je prépare donc mon cartable pour ma rentrée à moi. A dire vrai, je n'ai besoin de rien ou presque, mais ça ne m'empêche pas de bien tout préparer quand même : mon stéthoscope que j'ai acheté quand j'ai eu l'internat, le beau stylo que mes anciens collègues m'ont offert, ma paire de sandales "spéciales hosto" que je pourrais passer 36h dedans sans souffrir (et oui, c'est un fait avéré), mon carnet en loques où qu'il y a noté 3 fois 3 poso différentes pour le gluconate de calcium, et les numéros directs chèrement acquis des référents qui ne me serviront plus.

Je me demande comment ça va se passer, si je vais avoir une journée de "mise en route" ou si je vais d'emblée être mise dans le bain, si tout le monde va me vouvoyer, si j'ai un bureau réservé, comment sera l'accueil.
Je me demande si je vais être à l'heure, si je vais réussir à poser Dragon2 chez la nounou, Dragon1 à l'école et à ne pas me perdre ensuite pour être à temps au staff.

La seule chose en fait qui me rassure vraiment, ce sont les patients. Même si les équipes et les locaux changent, un nouveau-né reste un nouveau-né, et ça je connais (normalement :).

Ne reste donc plus qu'à me coucher tôt et prier pour que Dragon2 soit dans une bonne nuit (pas plus de 3 réveils) pour découvrir à quoi ressemblera le premier jour du reste de ma vie :P

mercredi 21 août 2013

J-2

Voilà. Voilà, voilà, voilà.

C'est ma dernière semaine, c'est mon avant-dernière garde, je viens de finir le livre de Jaddo, (www.jaddo.fr) pis de toutes façons c'est calme aux urgences et la petite née sur le seuil de l'hôpital va très bien. Alors voilà, je suis toute chose, genre comme un peu envie de pleurer.

Parce que je fais un beau métier, que j'y rencontre de chouettes gens. Parce que depuis 3 jours on n'arrête pas de me dire que des choses gentilles et à quel point je vais manquer. Parce que quand on se donne du mal pour être un bon médecin ça fait du bien de s'entendre dire qu'on est un sacrément-bon-médecin-que-des-comme-toi-y-en-a-pas-beaucoup.

Parce que 7 ans c'est le temps qu'il faut pour faire d'un petit 26 semaines de 700 g un grand garçon pressé d'aller jouer au parc (avec son asthme) et d'un bébé docteur un docteur des bébés.

Et puis parce que 7 ans dans une vie ça compte, et qu'une page de 7 ans qui se tourne, ben on a le droit d'avoir un peu comme une petite boule au ventre là. Et puis voilà.



lundi 19 août 2013

Secret médical

De garde l'autre jour, j'ai été appelée au bloc pour une césarienne en urgence.

38 SA, petit bébé, gros méchants troubles du rythme pas beaux. Rien que ça, déjà, ça promet une réa potentiellement lourde et ça fait monter le niveau d'alarme intérieur de deux crans (Je repense toujours à "Wargames" dans ces situations-là, un vieux film que seuls les trentenaires comme moi peuvent connaître avec ses petites loupiottes vertes, jaunes, oranges, rouges et je sais plus, noire ?... ) Dev 2 donc.

Pendant que je prépare soigneusement ma table de réa, j'apprends "C'est une fille de chez vous, au fait".
"Chez vous", ça veut dire qu'elle bosse en pédiatrie. Donc, je la connais. La pression monte d'un cran.
On me donne le nom. Ah ouais, je la connais, même que je l'aime bien (non que ça change quoi que ce soit à la prise en charge, sauf que ça fait un peu chier que ça tombe sur elle, quoi...) Même que je sais que ça fait des années qu'elle essaye, et que là c'est sa première grossesse après plusieurs FIV ratées.
Ok, on passe en loupiotte rouge pour le coup.

Alors quand paraît un petit bout de machin hurlant et gesticulant, rouge vif et prête à mettre des baffes aux méchants docteurs qui s'aviseraient de lui mettre un tuyau dans le nez, c'est tout bonheur et soulagement.

Vient le moment de remonter en pédiatrie et là, on a envie de hurler à la cantonade "Elle est née, elle va bien, elle est toute jolie, tralala" sauf que... sauf que résonne à ce moment un vieux bout de litanie "Admis dans l'intimité des familles blablabla..." et on réalise que ce n'est pas à nous d'annoncer ça.
Alors on remonte avec un coin de sourire au bord des lèvres, et on garde sa petite pépite de joie au chaud contre soi.

jeudi 15 août 2013

Festival

J-8 avant que je ne quitte définitivement l'hôpital, et les événements récents semblent se liguer pour que je ne regrette pas mon geste.

Déjà me coller 8 gardes en 22 jours au prétexte que ce sont mes dernières quand d'autres ne font qu'un jour férié sur le mois, ça passe mal.
Et puis beaucoup d'histoires lourdes, d'histoires tristes et surtout d'histoires horriblement révélatrices des dysfonctionnements quotidiens qui donnent envie de pleurer ou de crier ou de secouer quelqu'un très fort (fût-ce soi-même), parce que certes c'était pas de chance mais quand même, on n'a pas tout fait comme il aurait fallu...

HopitalVoisin qui laisse pourrir un bébé 4 heures à 70% de sat parce que "c'est le capteur qui fonctionne pas" jusqu'à ce qu'il fasse un arrêt... La césar faite au bloc général pour le confort des anesthésistes qui révèle en bébé en état de mort apparente et du bricolage avec un matériel pas adapté pour tenter (en vain) de le réanimer... Les infections à staph qui fleurissent en réa, l'acidose meumeuh qu'on y comprend rien sauf qu'on n'a pas bien regardé la méthémoglobinémie... Je sais, tout ça c'est du jargon, mais en dessous, ce sont des enfants et des familles qui souffrent.

Je sais que c'est un peu partout pareil, mais le changement sera bienvenu, car là j'en peux plus de l'administration qui mégote pour économiser des bouts de chandelles, du bricolage avec la vie des enfants en serrant les fesses pour que ça passe, des égos surdimensionnés et des pieds qu'il faut veiller à surtout pas écraser.

Je suis contente de partir, et ça me peine, sérieusement, pour les collègues que je laisse, qui se débattent là-dedans et qui vont continuer à s'y débattre un peu plus jusqu'au jour où fatigués, ils baisseront les bras...

Alors je sais que tout ne sera pas rose à NouvelHosto, que je vais immanquablement découvrir au fil des jours quelles guéguerres intestines se livrent en douce, mais ça sera forcément mieux. J'aurais voulu partir en bons termes, ne pas être de ceux qui déblatèrent sur leur ancien lieu de travail, partir confiante en me disant que ça allait aller après moi. Mais il semble que ce dernier mois soit le festival du N'importe Quoi, histoire de bien me faire comprendre que je quitte le navire à temps...

mardi 30 juillet 2013

Les jouets des urgences

Vous avez vu Toy Story 3 ? Vous savez ce dessin animé où l'enfer des vieux jouets, c'est d'être dans la section "petits" de la crèche...

Déménagement oblige, je ne savais que faire de tous les anciens jouets des dragons (soyons honnête, une très grande partie se retrouve dans des cartons, mais quand même les trucs de bébé-bébé...)
Emplie de bons sentiments, j'ai donc compilé une petite sélection de jouets lavables et résistants que j'ai remis à l'éducatrice du service de pédiatrie.

Erreur ! Le petit livre qu'ils aimaient tant, la maison avec les bonhommes se retrouvent dans la salle (enfin le couloir) d'attente des urgences. Il n'aura pas fallu une demie-journée pour voir les portes arrachées, les bonhommes éparpillés... Et ça me fait de la peine.
Je revois Dragon2 suçotant avec bonheur ce même bonhomme, Dragon1 ouvrant et fermant ladite porte et je me dis que ces jouets aimés méritaient mieux que ce destin là. Pardon les jouets, je vous imaginais distraire un petit bloqué au lit par sa perfusion, pas livrés en pâture aux fous furieux des urgences... Pardon.

lundi 29 juillet 2013

La reprise

A chaque retour de vacances c'est pareil.

On ne sait trop qu'espérer :
- trouver un service plein avec que des nouveaux enfants qu'il faut apprendre à connaître en moins d'une matinée
- trouver un service vide au risque de devoir faire plein de nouvelles entrées

Cette année, c'est l'option 1 qui a été retenue, pas forcément la plus facile étant donné que les enfants présents sont tous bien malades. C'est pas facile de prendre les bonnes décisions quand on ne connaît d'un patient que les transmissions faites par un collègue pressé de rentrer chez lui et un dossier parfois laconique. Je ne sais pas comment font les médecins qui font de l'intérim. Probablement qu'ils se contentent de prendre le moins de décisions possible.

En rentrant de vacances, il faut écouter les collègues raconter les événements marquants qui se sont déroulés en notre absence, le beau diagnostic de cardiopathie qu'ils ont posé ou bien (vivent les smartphones) le bébé tout malformé qu'est né quand on n'était pas là.

Rentrer de vacances, c'est aussi trouver sa bannette au secrétariat qui déborde de courrier, ouvrir ceux qui paraissent les plus importants, trouver des petits mots annotés "urgent" d'il y a 15 jours qui ne le sont plus, appeler des parents pour s'assurer que tel résultat leur a bien été transmis (ah ben non, justement, on se demandait...)

Ouvrir sa boîte mail après 3 semaines d'absence et un anti-spam défectueux, c'est devoir trier 423 nouveaux mails dont au final seuls 4 sont vraiment utiles, mais recevoir vraiment beaucoup de propositions pour être mince et gagner plein d'argent (ça se voit, que j'ai grossi ?)

C'est enfin zyeuter d'un air las la pile de dossiers amoncelés dans le bureau et avoir un petit bonheur en constatant qu'une bonne moitié est à la signature (rien d'autre à faire qu'à relire et signer pour faire baisser le tas, ça va vite).

Puis quand on a fait tout ça, on lève les yeux et c'est l'heure de partir.
Et puis demain on recommence.

Le plus dur dans la reprise, c'est de constater à quelle vitesse s'effacent les vacances...




jeudi 27 juin 2013

La fin

Après 7 ans passés dans le service, je vais donc changer d'air.

Depuis que c'est officiel, mille petites choses ont changé, des petites choses que j'avais plus ou moins notées lors de mes grossesses, mais un peu amplifiées (car quelle que soit la durée du congé mater, il n'est pas définitif, et ne signe qu'une parenthèse...)

- Je note davantage tous les petits dysfonctionnements, tous ces petits ratés du quotidiens avec lesquels "on fait" d'habitude, parce que c'est comme ça tous les jours, et qu'on va pas gaspiller son énergie à se battre contre des moulins. Mais rien qu'avec le recul que donne l'idée de bientôt partir l'oreille sourde de PetitCollègue, la léthargie de la surveillante, les questions pièges de CollègueStressée sautent soudain au visage.

- En même temps, ça me touche moins. Forcément. Tout ça, bientôt, ne sera plus mon problème. Ca rend supportable ce qui rapidement serait agaçant.

- Je n'ai jamais rechigné à la tâche, et je dépanne plus souvent qu'à mon tour, sans trop râler. Mais une petite partie de moi, quand même, se dit un peu sournoisement qu'ils vont bien en ch** quand je serai plus là.

- J'identifie bien plus clairement les patients qui m'inquiètent, et ceux dont je sais que ça va aller. Ce n'est pas toujours évident d'ailleurs, de passer le relai. En néonat, on partage des moments très forts avec les parents, et on accompagne l'enfant de son premier souffle à toutes ses autres premières fois (premiers sourires, premiers pas, premiers mots...) Même si on dit "Je m'en vais, mais le Dr Machin vous reverra", on sait tous que ça ne sera pas tout à fait pareil. C'est plus facile quand ça va bien. Mais j'ai un peu le sentiment d'en laisser d'autres dans la difficulté.

- Le chef de service ne m'adresse pour ainsi dire plus la parole. Il ne me fait pas ouvertement la gueule, non, et il m'a même tenu un joli discours sur "je comprends tes motivations, blabla"... Mais n'empêche, on dirait bien qu'il fait déjà un peu comme si j'étais déjà plus là. (Enfin sauf pour les gardes. Là, j'existe jusqu'à la dernière heure de mon dernier jour...)

- Je commence à avoir un peu peur. Je me demande combien de temps il me faudra pour être aussi naturellement invitée à partager le café des infirmières, si tout le monde va me vouvoyer, combien de temps il faudra pour que les conversations ne s'éteignent pas d'un coup à mon approche.
Je regarde mon petit calepin où j'ai précieusement noté les noms et numéros de tous les correspondants qui ne me serviront plus, et je me dis que je vais devoir recommencer à zéro sans savoir à qui adresser tel ou tel enfant pour tel ou tel problème.
Je suis déjà fatiguée à l'idée de devoir répéter x fois "je suis la nouvelle pédiatre" avec un sourire un peu niais. Avec un peu de chance, mes presque 40 ans m'ont enfin rattrapée et on ne me prendra plus pour la petite interne ou l'étudiante infirmière... (Très bon test de personnalité, soit dit en passant. J'ai quelques souvenirs jubilatoires de certains médecins SAMU s'adressant à moi comme à une merde et terminant par "il est où ton chef?" *Grand sourire innocent* "C'est moi..." "Ah, euh, vous faites jeune. Alors euh... il est stabilisé, blablabla..." J'ai pas beaucoup d'estime pour les gens qui ne respectent que les chefs)

Enfin voilà. Au fil des jours, des mois, des ans, on se fait comme un manteau d'habitudes, un ensemble de petits repères qu'on enfile pour se tenir chaud, qui étouffe peut-être parfois, mais qui réchauffe et qui rassure aussi. Ces derniers temps, j'ai un peu l'impression de tirer tranquillement sur le fil qui dépasse...


mercredi 5 juin 2013

Le don

Faut se rendre à l'évidence, j'ai un don.
Comme une sorte de fluide, un truc qui m'arrive tout naturellement. Je suis pas la seule à le dire, presque toutes les puer de mater (les infirmières puéricultrices de maternité, pour les non initiés :) sont d'accord avec moi.
Y en a que ça fait rire, y en a qui trouvent ça pratique, d'autres qui disent que je devrais jouer au Loto.
N'empêche, sur un jour comme aujourd'hui où j'ai vu pas moins de 17 nouveaux-nés, c'est un peu lourd.

Faut se rendre à l'évidence, j'ai un fluide : suffit que je les effleure du doigt, le méco est pour moi !

mercredi 22 mai 2013

Parler d'elle

Un mois qu'on en parle.
Un mois qu'ils occupent tous les esprits, qu'on en fait un sujet de plaisanterie "C'est pour toi ce soir !
- Rigole pas, je te réveille !"
Un mois que la surveillante stresse à la moindre entrée (il faut faire de la place, au cas où...), un mois que les collègues inquiets demandent "Et alors, on en est où ?"
Un mois qu'ils patientent au chaud dans le ventre de leur maman. Et comme ils ont été bien sages, on a dit qu'ils avaient le droit de sortir.

Fallait pas le répéter. J'avais pas posé le pied hors de l'ascenseur ce matin qu'une infirmière un chouille stressée m'accueille d'un "Génial, tu tombes bien, faut vite que t'aille au bloc, ils césarisent les triplés !"
Qu'à cela ne tienne, on prendra le temps d'arriver un autre jour.
Des triplés, en réa bébé, c'est toute une organisation. Déjà faut trouver trois tables de réa. Puis faut les brancher, dans un local déjà petit et surchauffé, et mettre autour de chaque table deux ou trois personnes pour bien faire. En attendant l'incision, on se répartit les équipes : "Toi et toi, bébé1, vous bébé2, et bébé3 ira là-bas, avec Machin et Truc."
Un cri dans le couloir, c'est le premier colis, petit mignon et rose comme il faut (né très exactement 19 minutes après ma descente de l'ascenseur). Arrive bientôt le deuxième, le troisième suit dans la foulée.

Pendant que dans 10 m2 surchauffés, une dizaine de personnes s'extasient sur les efforts méritoires de petits qui cherchent à comprendre ce qui leur arrive, et qu'on se lance dans des estimations genre "Combien tu dis ? 1 kg7 ?" agrémentés de commentaires attendris "Comme ils sont mignons ! Ah oui, c'est vrai qu'ils se ressemblent..." on entend un bruit de course dans le couloir.

C'est une règle : on ne court JAMAIS dans un hôpital. Sauf quand c'est vraiment très important. Genre vital. On ne crie pas non plus. Sauf éventuellement "Appelez le réa, VITE !!" Mais faut que ce soit très très important. Comme une maman qui meurt par exemple.

Un mois qu'on ne parle que d'eux.
Qu'on spécule sur leur poids, qu'on anticipe leurs capacités, qu'on redoute de les voir débarquer à 3h du mat' le soir où on est de garde. Un mois qu'on l'oublie un peu, elle, le réceptacle, le contenant.
La vie a parfois de drôles de façons de vous rappeler à l'ordre à coup de grande claque dans la gueule.

Au final, l'histoire n'est pas si noire, les bébés vont bien et maman lutte. Je veux croire qu'elle va s'en tirer, parce que ce serait trop trop moche autrement.

Mais voilà, je voulais parler d'elle, même si mon boulot à moi c'est plutôt les enfants, parler d'elles plus exactement, toutes celles qui, plus ou moins facilement, donnent la vie.

Et juste redire une fois encore le formidable boulot effectué tous les jours par ceux et celles qui travaillent au bloc obstétrical, quelle que soit leur fonction.
Ironie du sort, sur toutes les tenues roses aujourd'hui était accroché un panonceau "sage-femme en grève".

Edit : après une petite semaine de réa, maman s'en est sortie. Elle a pu regagner le service, retrouver ses bébés et s'est révélée si chiante qu'elle a fini par se mettre tout le service à dos. Retour à la vie normale, quoi :p

vendredi 10 mai 2013

Coïncidences

Il y a 4 ans de ça, j'ai reçu aux urgences la jeune L. 14 ans, qui avait des vertiges après avoir reçu un ballon dans la tête. Un scanner plus tard, le ballon est hors de cause. C'est pas facile d'annoncer à une jeune de 14 ans et à ses parents qu'elle a une tumeur de 6 cm dans le cerveau, et que non, on ne sait pas ce que c'est, mais qu'on l'envoie chez le super-spécialiste, oui oui, là maintenant, ce soir.

Je n'ai jamais revu L. Par le jeu des listes de destinataires cependant, je reçois de temps à autre le double d'un compte-rendu de consultation. Pas de caractère de malignité (pas un cancer, ndlt). Exérèse incomplète (pas pu tout enlever, ndlt). Récidive. Stabilité des lésions. Tout ça.

Aujourd'hui, c'est un pont on n'est pas nombreux, et j'assure donc les urgences alors que je n'y suis pour ainsi dire jamais en journée d'habitude. Se présente une jeune de 18 ans (et 1 mois) dont la mère insiste pour qu'elle soit vue en pédiatrie, "parce qu'elle a déjà été suivie ici". Motif : céphalées.
C'est Mademoiselle L. Elle a beaucoup changé, sa maman aussi, mais on se reconnait.

La discussion se fait cette fois beaucoup plus d'égale à égale. La dernière IRM, le contrôle prévu pour le mois prochain, les maux de tête que rien ne soulagent qui ont débuté brutalement il y a 3 jours.
La nouvelle IRM.
L'avis neurochirurgical nécessaire.

Ben en fait, c'est pas plus facile d'annoncer à une jolie jeune fille de 18 ans que oui, ça recommence.

Je leur ai dit qu'il ne fallait plus venir quand c'était moi. Non, parce que bon, quoi.




dimanche 5 mai 2013

La vraie vie.

{Billet perso, à visée cathartique}

Dimanche matin, il fait beau. Dragon1 joue dans le jardin. Dragon2 a un peu faim, et comme il est 10h et que le repas est loin, je lui donne un demi pain au lait, avec des pépites au chocolat dedans. On sort sur la terrasse, mais il rentre dans la maison peu après, pain au lait et camion à la main.

J'ignore ce qui m'a fait me retourner. Sans doute un borborygme. Plus de traces du pain au lait et Dragon2 fait de gros efforts pour vomir. Ma première réaction fut "Fait chier, il en a encore trop avalé d'un coup". Je l'attrape, je le penche en avant "Crache, crache !"
Silence.
Regard paniqué et silence.
Je lui ouvre la bouche : rien.

Et là, j'ai peur. Vraiment. Il continue à s'agiter, les larmes coulent, ses yeux m'accrochent, toujours aucun son et ses lèvres bleuissent tandis que ses joues pâlissent. Que faire ? Appeler le 15 ? Pas le temps.
Je le pose sur la table de jardin, devant moi, les deux poings sous le creux xyphoïdien, et je pousse, vite et fort, vers le haut.
Je ne vois pas son visage, mais pour la première depuis 30 ou 40 très longues secondes, je l'entends pleurer. C'est étouffé mais ça sort, et donc ça rentre aussi. Il respire. Je respire aussi.

Il m'a fallu ensuite deux tentatives, en y rentrant l'index entier, pour réussir à l'attraper et le sortir, ce p*** de bout de morceau de brioche compactée de mes deux, agrémenté de pépites de chocolats et de filets de sang.

Et voilà. Il ne s'est pas écoulé une minute, Dragon2 est rose, il pleure, ses petits bras me serrent fort, sa tête est dans mon cou, mes jambes ne me portent plus et mes surrénales viennent de griller 3 années d'un coup.

Ce que j'en conclus :
- Que dans l'urgence, c'est le sous-cortical qui prime, et c'est bien mieux comme ça.
- Que j'aurais jamais cru que mon premier Heimlich ce serait sur un de mes enfants.
- Que même en sachant pertinemment qu'il allait bien, j'ai quand même été raconter mon histoire à mon collègue de garde, parce que ce temps "post-critique" aux urgences est une nécessité. (Je ne l'ai jamais fait, mais je l'ai vu faire : ne jamais banaliser, même une bête convulsion fébrile).
- Que la vraie vie tient parfois à d'infimes détails : un pain au lait, 5 ou 6 mètres, quelques minutes...

Déjà le souvenir en est flou, comme si la résilience avait mis l'accent sur "oubli accéléré". Oublions. Oublions ce visage paniqué aux lèvres violettes dont aucun son ne sort, oublions que l'impensable peut se produire à n'importe quel moment, et surtout surtout, oublions les pains au lait.




lundi 29 avril 2013

Le changement, c'est maintenant.

Il y a des moments comme ça où la vie / le destin vous envoie certains petits signaux qui semblent indiquer la voie à suivre.

Et puis il y a des fois où les petits signaux font presque l'effet d'une bonne gueulante au mégaphone, et où il faudrait vraiment vraiment être dure de la feuille pour pas piger qu'il y a des questions à se poser...

Donc, quelle probabilité y avait-il pour que Monsieur Dragon apprenne qu'il pouvait virtuellement continuer à bosser pour sa boîte de n'importe où (équipé néanmoins d'une bonne connexion adsl) juste quelques mois avant que ne se terminent mes 5 années d'engagement sur un poste à recrutement prioritaire ? Juste quand on commençait à se dire qu'il nous faudrait vraiment une chambre supplémentaire ? Que GrosProjet au boulot semble plus ou moins en stand by pour les 4 ou 5 années à venir ? Quelle probabilité pour qu'au même moment, le couple de SuperNounou parte en vrille et qu'elle nous annonce son prochain départ de la région ?

Quelle probabilité disais-je, pour que dans le même temps, l'hôpital situé chez les Parents Dragons, à 20 minutes des Parents Jaja, recherche activement un pédiatre ? Genre, justement quelqu'un avec un CV comme le mien ?

Quand toutes ces coïncidences se bousculent en l'espace de quelques semaines, ça donne un peu l'impression d'un gros panneau indicateur flashy qui pointe et clignotte : "Vas-y !"

Ni facile, ni difficile, comme décision. Juste... quelque part déjà prise.

Je suis super contente à l'idée de me rapprocher de ma famille (de nos familles, je m'entends bien avec mes beaux-parents :), de mes racines, du beau temps.
Heureuse rien que de penser que les dragonnets verront leurs grands-parents plus de trois fois par an, que Monsieur Dragon et moi on pourra aller au cinéma (yeah !), qu'il y aura quelqu'un pas loin en cas de pépin, que je pourrai chopper la grippe et couver mes 40°C tranquille au fond de mon lit ou bien accepter un resto sans qu'aussitôt surgisse la question de "qu'est-ce qu'on fait des enfants ?"

Naturellement, je flippe ma race j'appréhende légèrement l'arrivée dans une nouvelle équipe, le changement de pratique, l'augmentation du nombre de gardes, la traumato aux urgences. Je sais que mon CV dit que je suis vieille et expérimentée, mais moi je me sens pas si tant pleine de sagesse que ça, hein...

Et puis, et puis j'ai du mal à me dire qu'il va falloir lâcher tout ce qu'on a déjà construit ici. Les quelques amitiés précieuses, les bons collègues, les petits patients qu'on voudrait bien savoir ce qu'ils vont devenir. Quitter les équipes soignantes aussi, affronter leur déception (revers de la médaille de ne pas être une totale peau de vache, fallait y penser avant...)

Oui, ça ressemble à un slogan de campagne, mais le changement, c'est maintenant.
Voilà qui promet en tous cas plein de sujets de billets pour les mois à venir...

samedi 6 avril 2013

Le casse-tête...

Travailler en pédiatrie, c'est aussi parfois voir au bout du couloir des urgences arriver deux policiers poussant une chaise roulante avec un ado dedans, et se dire "Génial, une réquis'..." *
Constater que le dit ado est agité et penser "... et en plus il est bourré..." et puis de plus près réaliser qu'on a tout faux.

Travailler aux urgences pédiatriques, c'est parfois recevoir deux policiers perplexes qui accompagnent un jeune adulte fortement autiste qu'on a retrouvé dans un bus sans papiers sur lui et dont personne ne semble avoir signalé la disparition.

C'est passer de multiples coups de fils, ne voir aucun autre patient pendant une heure pour tenter de trouver une réponse à l'épineuse question "Que fait-on de lui ?"
C'est malgré tout s'assurer qu'à 21h on donne à boire et à manger à ce jeune homme qui déambule dans le couloir, ouvre les portes, déchiquète les magazines et refuse obstinément de se départir de la doudoune dont l'étiquette a pu fournir un semblant d'identité.
C'est finalement retenir la moins mauvaise solution, en restant insatisfait d'une prise en charge globalement pas top.

C'est réaliser qu'au final pas moins de six personnes se sont penchées sur le casse-tête de cette patate chaude qui d'habitude brûle tranquillement les doigts de sa famille...

*réquis' = réquisition. Lorsque les forcent de l'ordre envisagent une garde à vue, ils doivent obtenir d'un médecin un certificat de non contre-indication. Si l'individu concerné est mineur, chez nous en tous cas, ils réquisitionnent le pédiatre des urgences pour ce faire.

jeudi 21 mars 2013

Les ratés...

Circule en ce moment sur le net une polémique (qui n'en est à mon avis qu'à ses débuts) sur la formation des médecins. Si tout le monde est d'accord pour dire qu'il faut continuer à se former après l'internat, la façon d'organiser et de financer cette formation reste très problématique (cherchez DPC = développement professionnel continu, et celui qui comprend ce que ça recouvre, qu'il me fasse signe...)

Reste que pour l'instant, soit on paye de sa poche (en espérant vaguement être remboursé 6 mois plus tard quand on bosse en hospitalier), soit on accepte la proposition d'un labo de nous financer. Moi je sollicite peu, mais quand on me propose, soyons honnête, je ne crache pas dessus.

Alors voilà, j'étais toute contente d'aller entendre parler de belle néonatologie, de comment il fallait faire les choses bien, contente de croiser peut-être des gens que je n'ai pas vus depuis longtemps, contente aussi à l'idée d'une bonne nuit sans enfants ni mari dans un hôtel où cocooner et qu'en plus je paie même pas, oui mais voilà...

Dragon2, doté de ce 6° sens qui lui est propre et permet à son système immunitaire de perdre les pédales quand je suis de garde / quand on doit partir en vacances à Noël ou quand je dois le confier deux jours durant aux bons soins de son père et de la nounou a décidé cette nuit de me jouer "L'Opéra Septique" avec 40°C, frissons, vomissements et tout le tremblement (si j'ose dire...)

Exit donc la formation, adieu ma belle nuit d'hôtel rien qu'à moi...
De toutes façons, j'aurais dormi tout le temps, vu la nuit pourrie que j'ai passée. Lui ? Ben il est plutôt plus en forme que moi ce matin, évidemment...

Au moins, c'est pas moi qui ai payé pour rien, c'est déjà ça :/

lundi 25 février 2013

La chambre de garde.

La chambre de garde, c'est le lieu de repos du médecin, l'endroit où il décompresse quand sa charge lui en laisse l'occasion, son "home sweet home" intra-hospitalier qu'il partage en multipropriété avec ses collègues.

J'ai connu des chambres de garde assez chouettes (peu, certes, mais je sais que ça existe). Où on a envie de rester, qu'on n'a pas envie de quitter, qu'on est content de retrouver.
C'est donc sans doute dans un but d'efficience et de rentabilité médicale que la plupart du temps, la chambre de garde ressemble à ça :

- pas de fenêtre ou bien qui donne sur le toit et la soufflerie géante de l'hôpital
- pas de store (pour quoi faire, on n'est pas là pour dormir non plus...) un vieux rideau marron à moitié décroché
- déco pas refaite depuis les années 70
- un lit de 90 qui grince affreusement à chaque mouvement (et encore, je suis du genre poids plume, j'ose pas imaginer ce que ça donne avec mes collègues à "présence physique" plus imposante...)
- un radio réveil cassé que personne n'a pensé à jeter ou à remplacer (de toutes façons tout le monde a des portables de nos jours)
- une cabine de douche en plastique rajoutée après-coup dans un coin (genre, ils avaient pas du juger ça très utile au début)
- une table en formica défoncée avec une télé qui marche pas
- un lavabo dont s'échappe une odeur douceâtre de siphon bouché
- une absence de WC (traversez l'étage désert si vous l'osez ou bien descendez d'un étage en cas d'envie pressante...)

Oui, je sais, ça donne envie. Mais je promets que rien n'est exagéré.

Alors certes, ça invite à rester traîner dans les offices avec les équipes soignantes, ça incite à rester dans son bureau et à finir ses compte-rendus en retard, mais moi je trouve surtout que ça reflète une certaine mentalité des instances dirigeantes.

Et je me prends parfois à rêver à un hôpital où on partirait pas du principe que les gens sont des glandeurs par défaut, où on se dirait que vu le boulot qu'il fournit, le personnel mérite de pouvoir se reposer, et où la chambre de garde serait sympa et aérée, fonctionnelle et (disons-le) accueillante...
Le pire c'est que ça coûterait pas si cher, mais c'est quand même une belle utopie...


Les motivations

C'est rigolo, parfois, les motivations des gens. Enfin rigolo je m'entends, disons que c'est curieux / intéressant / interpellant.

Samedi soir, donc, 22h. Après 2h d'attente, entrent en box un petit garçon d'environ 3 ans, sa maman, sa tata (qui fait l'interprète, maman ne parlant pas français). Motif de consultation : standard. Il tousse, il a de la fièvre, il mange pas, on a vu le docteur hier, il a donné ça (sac de pharmacie rempli de Doliprane, sirop quelconque, antibio) mais ça passe pas.
Des comme ça, y en a tout le temps, tous les jours, ça agace parce qu'on finit par les renvoyer chez eux avec le même traitement (voire un antibiotique en moins) sauf que là, je sais pas, ça n'y ressemblait pas. Peut-être l'angoisse manifeste écrite sur le visage de maman qui ne pipait pas mot, contrastant avec un gamin ma foi plutôt en forme, en train de défoncer le papier de la table d'examen...
Commence l'interrogatoire ponctué de pauses pour les aller-retours tata-maman "ça fait deux jours, son frère tousse un peu aussi", "ce matin ça allait mieux mais là, elle le trouve très fatigué" "elle trouve qu'il a maigri aussi"...
Commence l'examen tant bien que mal et pendant que je palpe le ventre en demandant s'il a mal quand il fait pipi, voilà tata qui lâche "on a un neveu à qui on a trouvé un diabète y a pas longtemps, aussi"
*TILT*
Je regarde maman "Vous avez peur qu'il ait le diabète aussi ?" Grand regard implorant. "Il boit beaucoup ? Il fait beaucoup pipi ?" Non, non, il n'a pas faim ni très soif d'ailleurs. "Dans le diabète, les enfants boivent beaucoup et font beaucoup pipi." Tata répond "On sait, mais elle le trouve maigre et fatigué et chez mon neveu c'est comme ça que ça a commencé..." Ici perce une peu d'inquiétude dans la voix jusque là très égale de la tata. "Et c'est pour ça que vous venez ?" Aveu presque soulagé dans les yeux de la maman.

Cinq minutes et une bandelette plus tard, il n'y a pas de diabète : la fièvre, le manque d'appétit, la fatigue deviennent d'un coup plus supportable.

Bon, ben effectivement, ils n'avaient pas vraiment grand chose à faire aux urgences, mais quand même, j'ai l'impression d'avoir été utile sur le coup.

samedi 26 janvier 2013

Les rituels

On se rassure tous par des petits rituels.

Pour moi, la veille d'une garde, ça consiste à préparer consciencieusement mon sac avec ma trousse de toilette hypra-super-complète dont au final je n'utilise que le dentifrice et la brosse à dents, à mettre une culotte et une paire de chaussettes propres pour le lendemain, une petite bouteille d'eau parce que celle de l'hôpital est dégueulasse et un petit paquet de gâteaux (pour le petit dej, pour remplacer le repas que t'as du sauter, pour la fringale de 3h du mat' quand t'es toujours pas couchée...). Et la pilule qu'il vaut mieux éviter d'oublier.

Hier soir, j'ai tout bien préparé comme il faut. Et ce matin, j'ai tout laissé comme une cruche sur le sol de la cuisine.

Me v'la donc partie pour 24 h sans mon petit barda contraphobique. Et vu que c'est samedi et que la garde dure toute la journée, pas moyen d'envisager un aller-retour à la maison. Pas trop moyen non plus de demander à Mr Dragon d'emballer les deux dragonnets par ce temps glacial pour me ramener ma trousse de toilette. Ca fait beaucoup de tracas, et puis vu la difficulté qu'ont les dragonnets à me laisser partir le matin d'une garde, je redouterais un drame (ou un précédent préjudiciable) s'ils venaient me voir sur mon lieu de travail pour devoir repartir aussi sec...

D'autant qu'en toute honnêteté, je dois avoir, planqué dans un recoin de la chambre de garde, une trousse "ocazou" destinée à cet effet (la cata, le Plan Blanc imprévu, la garde reprise au pied levé, le sympathique patient qui te vomit sur les cheveux...) contenant le minimum vital pour parer aux premiers soins d'hygiène.
(Un bon truc, la trousse ocazou, que je recommande à ceux qui n'en ont pas...)

Non, en fait, ce qui m'embête dans cette histoire, outre le fait d'avoir pris un quart d'heure sur mon sommeil hier pour rien et l'état inquiétant de mes neurones blondinets ce matin, c'est pas l'oubli d'une trousse de toilette, c'est même pas la pilule que je vais nécessairement prendre en retard (faudra pas s'étonner s'il arrive un de ces quatre un dragon3...) ce qui m'embête vraiment, en fait, c'est qu'il me manque mon doudou...