mercredi 21 août 2013

J-2

Voilà. Voilà, voilà, voilà.

C'est ma dernière semaine, c'est mon avant-dernière garde, je viens de finir le livre de Jaddo, (www.jaddo.fr) pis de toutes façons c'est calme aux urgences et la petite née sur le seuil de l'hôpital va très bien. Alors voilà, je suis toute chose, genre comme un peu envie de pleurer.

Parce que je fais un beau métier, que j'y rencontre de chouettes gens. Parce que depuis 3 jours on n'arrête pas de me dire que des choses gentilles et à quel point je vais manquer. Parce que quand on se donne du mal pour être un bon médecin ça fait du bien de s'entendre dire qu'on est un sacrément-bon-médecin-que-des-comme-toi-y-en-a-pas-beaucoup.

Parce que 7 ans c'est le temps qu'il faut pour faire d'un petit 26 semaines de 700 g un grand garçon pressé d'aller jouer au parc (avec son asthme) et d'un bébé docteur un docteur des bébés.

Et puis parce que 7 ans dans une vie ça compte, et qu'une page de 7 ans qui se tourne, ben on a le droit d'avoir un peu comme une petite boule au ventre là. Et puis voilà.



lundi 19 août 2013

Secret médical

De garde l'autre jour, j'ai été appelée au bloc pour une césarienne en urgence.

38 SA, petit bébé, gros méchants troubles du rythme pas beaux. Rien que ça, déjà, ça promet une réa potentiellement lourde et ça fait monter le niveau d'alarme intérieur de deux crans (Je repense toujours à "Wargames" dans ces situations-là, un vieux film que seuls les trentenaires comme moi peuvent connaître avec ses petites loupiottes vertes, jaunes, oranges, rouges et je sais plus, noire ?... ) Dev 2 donc.

Pendant que je prépare soigneusement ma table de réa, j'apprends "C'est une fille de chez vous, au fait".
"Chez vous", ça veut dire qu'elle bosse en pédiatrie. Donc, je la connais. La pression monte d'un cran.
On me donne le nom. Ah ouais, je la connais, même que je l'aime bien (non que ça change quoi que ce soit à la prise en charge, sauf que ça fait un peu chier que ça tombe sur elle, quoi...) Même que je sais que ça fait des années qu'elle essaye, et que là c'est sa première grossesse après plusieurs FIV ratées.
Ok, on passe en loupiotte rouge pour le coup.

Alors quand paraît un petit bout de machin hurlant et gesticulant, rouge vif et prête à mettre des baffes aux méchants docteurs qui s'aviseraient de lui mettre un tuyau dans le nez, c'est tout bonheur et soulagement.

Vient le moment de remonter en pédiatrie et là, on a envie de hurler à la cantonade "Elle est née, elle va bien, elle est toute jolie, tralala" sauf que... sauf que résonne à ce moment un vieux bout de litanie "Admis dans l'intimité des familles blablabla..." et on réalise que ce n'est pas à nous d'annoncer ça.
Alors on remonte avec un coin de sourire au bord des lèvres, et on garde sa petite pépite de joie au chaud contre soi.

jeudi 15 août 2013

Festival

J-8 avant que je ne quitte définitivement l'hôpital, et les événements récents semblent se liguer pour que je ne regrette pas mon geste.

Déjà me coller 8 gardes en 22 jours au prétexte que ce sont mes dernières quand d'autres ne font qu'un jour férié sur le mois, ça passe mal.
Et puis beaucoup d'histoires lourdes, d'histoires tristes et surtout d'histoires horriblement révélatrices des dysfonctionnements quotidiens qui donnent envie de pleurer ou de crier ou de secouer quelqu'un très fort (fût-ce soi-même), parce que certes c'était pas de chance mais quand même, on n'a pas tout fait comme il aurait fallu...

HopitalVoisin qui laisse pourrir un bébé 4 heures à 70% de sat parce que "c'est le capteur qui fonctionne pas" jusqu'à ce qu'il fasse un arrêt... La césar faite au bloc général pour le confort des anesthésistes qui révèle en bébé en état de mort apparente et du bricolage avec un matériel pas adapté pour tenter (en vain) de le réanimer... Les infections à staph qui fleurissent en réa, l'acidose meumeuh qu'on y comprend rien sauf qu'on n'a pas bien regardé la méthémoglobinémie... Je sais, tout ça c'est du jargon, mais en dessous, ce sont des enfants et des familles qui souffrent.

Je sais que c'est un peu partout pareil, mais le changement sera bienvenu, car là j'en peux plus de l'administration qui mégote pour économiser des bouts de chandelles, du bricolage avec la vie des enfants en serrant les fesses pour que ça passe, des égos surdimensionnés et des pieds qu'il faut veiller à surtout pas écraser.

Je suis contente de partir, et ça me peine, sérieusement, pour les collègues que je laisse, qui se débattent là-dedans et qui vont continuer à s'y débattre un peu plus jusqu'au jour où fatigués, ils baisseront les bras...

Alors je sais que tout ne sera pas rose à NouvelHosto, que je vais immanquablement découvrir au fil des jours quelles guéguerres intestines se livrent en douce, mais ça sera forcément mieux. J'aurais voulu partir en bons termes, ne pas être de ceux qui déblatèrent sur leur ancien lieu de travail, partir confiante en me disant que ça allait aller après moi. Mais il semble que ce dernier mois soit le festival du N'importe Quoi, histoire de bien me faire comprendre que je quitte le navire à temps...