lundi 31 décembre 2012

La garde du 31

En dépit des émissions radio qui déblatèrent sur les médecins égoïstes qui osent prendre des vacances entre Noël et l'an, quand la moitié de la France ne travaille pas, il y a quand même quelques représentants du corps médical qui s'y collent...

Noël ou l'an, il faut choisir. N'ayant eu aucune fête l'année dernière, il fallait bien que ça arrive cette année. (Là où c'est de la triche, c'est que l'année dernière, certes j'étais en congés, mais j'ai quand même passé Noël dans le service avec Dragon2 et sa bronchiolite, mais ceci est une autre histoire qui sera contée une autre fois..; ou pas).

Bref. Mes collègues se sont tous mystérieusement envolés entre 16 et 17 h, petit aperçu de ce qui m'attend :

- Parents pomponnés, petit tout pâle à la main "Il a la gastro, il a vomi 2 fois, vous êtes sûrs que vous le gardez pas ?" (Non non, l'hôpital n'est pas une garderie pour enfants malades).
- Parents pomponnés (parfois pompettes aussi) petit tout rose à la main "Il a avalé une cacahouète / fini les verres du salon / mangé la terre de la plante verte" (Moins évident d'être vigilant une coupette à la main... )
- Mamie qui arrive avec son petit fils "Vous savez, je le garde ce soir mais comme il est asthmatique..."
- Maman sur son 31 qui s'excuse trois fois de déranger mais le petit ne décroche pas du 40°C depuis 4 jours et le médecin traitant est injoignable et qui demande en partant si elle a quelque chose à régler...
- Comme à chaque changement de semaine de vacances, chance non négligeable de maman/papa qui a récupéré la petite après une semaine chez papa/maman et "est-ce que vous trouvez bien normal qu'on la laisse comme ça avec son nez qui coule ?"
- J'espère pas parce que c'est moins mon truc, mais hélas c'est malgré tout de l'ordre du possible : le coma éthylique adolescent (premier réveillon avec les potes, une bouteille de vodka youp'là...)

Comme on n'a pas de chirurgie ou de réa polyvalente, j'évite a priori les blessures par couteaux à huîtres, les discussions qui ont mal tourné ou les AVP (accidents de la voie publique).

J'aurai peut-être la petite réquis' de 2h du mat (après tout, les flics travaillent eux aussi, et comment mieux commencer l'année qu'avec une garde à vue...)

Côté néonat, c'est moins facile à dire : soit très calme, soit très occupé. Je vote pour très calme.

Comme ça, ça laissera du temps pour papoter avec les infirmières et grignoter ce qu'elles auront amené de bon ;) (Si je calcule bien mon coup, je dois pouvoir me faire l'entrée au bloc mater, le plat en néonat et le dessert en pédiatrie, mais ça c'est seulement si les patients veulent bien m'en laisser le temps !)
C'est trop dommage, je vais rater le repas du réveillon de l'internat (auront-ils au moins fait l'effort de la tranche de bûche au beurre bien indigeste en dessert ? Pas sûr, on est en restriction budgétaire...)

Enfin voilà, somme toute, c'est quand même pas tout à fait pareil de faire la dernière garde de l'année.

jeudi 25 octobre 2012

La Liste de Gardes

Il y a une tradition à laquelle il faut bien se soumettre 4 ou 5 fois l'an, c'est celle de la liste de gardes.
Ca commence par un mail ou un mot échangé le matin au staff : "lundi on fait la liste".

Le lundi en question, curieusement, tous les médecins viennent au staff, avec leur gros calendrier cartonné ou leurs petits agendas à la main et pour l'interne qui termine la nuit il n'y a jamais de question, jamais de discussion sur le pourquoi du comment, on écoute les transmissions d'une oreille distraite. Un quart d'heure après, exit les internes qui vont commencer le tour dans les services et tous les chefs se rapprochent autour de la table.

Importance stratégique, le choix de la place : plus on est près du chef, plus on a de chance d'avoir ce qu'on veut. Sinon, faut crier fort. On fait le tour des absents, qui a laissé ses choix à qui, qui parle pour qui, et Machin est-ce que quelqu'un l'a prévenu ? (Machin est en repos chez lui, il apprend par un coup de fil sur son portable qu'on fait la liste sans lui, il fulmine).

Commence la litanie des jours. Il faut deux personnes : une pour le secteur néonat, une pour le secteur des grands. Le lundi ça n'intéresse personne (j'ai piscine, je consulte le lendemain...), le mardi en revanche, c'est la foire d'empoigne (tout le monde avec des enfants d'âge scolaire veut son repos du mercredi...) Alors ça parlemente, ça négocie ("tu as déjà eu deux mardis" "si tu me laisses celui-ci, je te laisse la semaine prochaine...")
Parfois il y a de grands blancs, et on sait pas pourquoi. "Jeudi 25, qui peut ?" Parfois on sait  (il y a un congrès, beaucoup veulent y aller...) et au final, c'est un peu toujours les mêmes qui s'y collent.
Il y a aussi ceux qui veulent beaucoup de gardes ("encore ? Mais ça t'en fait trois dans la semaine...") et ceux qui en voudraient plus mais qui étaient trop loin du chef et qui n'osent pas crier.
Il y a des jours on ne trouve qu'un volontaire et où personne ne veut faire le second. Alors le chef interpelle "Truc, tu peux ?" et là il faut expliquer devant tout le monde "Ah ben non ce jour là mon mari est en déplacement alors il rentrara tard et j'ai personne pour les enfants..." ou alors se dire qu'au final ça nous arrange pas mais qu'on n'a pas vraiment d'excuse qui tienne la route et répondre "Euh oui, s'il faut..."
Il y a ceux qui aiment la régularité, et ceux qui ont des vies tellement bizarres qu'ils enchaînent pendant dix jours pour ne plus rien faire du mois ensuite.

Ca demande d'être concentré, le choix de garde. Répond à une question de ton voisin, et une semaine est passée au cours de laquelle tu n'as rien pris. Régulièrement reviennent les "On en est où là ?" de ceux qui ont décroché. De temps en temps on pense à ceux qui sont pas là, surtout faut le dire, pour les jours où ça coince.
Des fois, c'est compliqué de s'y retrouver parce qu'on est à mardi mais que quelqu'un crie déjà qu'il le veut bien, le jeudi de cette semaine-ci, et alors plus personne ne sait qui fait quoi. Des fois, aussi, le chef a des ratés et il écrit A sur sa liste en pensant B...

Au final, des fois ça va vite, ça se goupille pas trop mal et on perd pas trop de temps. Mais le plus souvent, ça râle, ça s'engueule, on revient trois fois sur un jour qui pose souci, on fait des échanges à trois ("moi je peux faire le jeudi si quelqu'un me reprend le mercredi..."), on rature, on baisse les bras et on sort après une heure en cherchant déjà à qui on pourra refiler la garde du dimanche qui nous arrange pas...

Il faut bien commencer un jour

A dire vrai, j'ai déjà commencé il y a quelques années de cela, mais les deux-trois billets écrits alors se sont vite arrêtés, faute de temps, surtout. Puis j'ai découvert Twitter, et tout un tas d'excellents blogs tenus par des médecins, et je me suis dit "Pourquoi pas ?"

Pour brosser un tableau rapide, voilà bientôt douze ans que j'ai quitté les bancs de la fac, 7 ans que je suis diplômée, 7 ans que j'exerce dans un hôpital dit "périphérique", ni petit ni vraiment grand. Je ne suis pas dans ma région d'origine, ni dans celle où j'ai passé mon internat, j'ai atterri un peu par hasard dans ce que les instances actuelles appelleraient "un désert médical".

Je suis pédiatre, je m'occupe des enfants des autres, option "petits bébés" (néonat, quoi).

A la maison, j'ai un homme qui ronchonne pour tous les soirs et les week-ends où je ne suis pas là et où il se retrouve seul avec nos deux petits monstres de 3 ans et 18 mois.

Je suis gentille, facilement naïve, souvent bonne poire, bref un peu blonde. Dans la vie, il y a des trucs qui me plaisent, mais comme je n'ai pas de temps à y consacrer, je ne vois pas l'utilité d'en parler. Voilà déjà pour planter le décor.