lundi 25 février 2013

La chambre de garde.

La chambre de garde, c'est le lieu de repos du médecin, l'endroit où il décompresse quand sa charge lui en laisse l'occasion, son "home sweet home" intra-hospitalier qu'il partage en multipropriété avec ses collègues.

J'ai connu des chambres de garde assez chouettes (peu, certes, mais je sais que ça existe). Où on a envie de rester, qu'on n'a pas envie de quitter, qu'on est content de retrouver.
C'est donc sans doute dans un but d'efficience et de rentabilité médicale que la plupart du temps, la chambre de garde ressemble à ça :

- pas de fenêtre ou bien qui donne sur le toit et la soufflerie géante de l'hôpital
- pas de store (pour quoi faire, on n'est pas là pour dormir non plus...) un vieux rideau marron à moitié décroché
- déco pas refaite depuis les années 70
- un lit de 90 qui grince affreusement à chaque mouvement (et encore, je suis du genre poids plume, j'ose pas imaginer ce que ça donne avec mes collègues à "présence physique" plus imposante...)
- un radio réveil cassé que personne n'a pensé à jeter ou à remplacer (de toutes façons tout le monde a des portables de nos jours)
- une cabine de douche en plastique rajoutée après-coup dans un coin (genre, ils avaient pas du juger ça très utile au début)
- une table en formica défoncée avec une télé qui marche pas
- un lavabo dont s'échappe une odeur douceâtre de siphon bouché
- une absence de WC (traversez l'étage désert si vous l'osez ou bien descendez d'un étage en cas d'envie pressante...)

Oui, je sais, ça donne envie. Mais je promets que rien n'est exagéré.

Alors certes, ça invite à rester traîner dans les offices avec les équipes soignantes, ça incite à rester dans son bureau et à finir ses compte-rendus en retard, mais moi je trouve surtout que ça reflète une certaine mentalité des instances dirigeantes.

Et je me prends parfois à rêver à un hôpital où on partirait pas du principe que les gens sont des glandeurs par défaut, où on se dirait que vu le boulot qu'il fournit, le personnel mérite de pouvoir se reposer, et où la chambre de garde serait sympa et aérée, fonctionnelle et (disons-le) accueillante...
Le pire c'est que ça coûterait pas si cher, mais c'est quand même une belle utopie...


Les motivations

C'est rigolo, parfois, les motivations des gens. Enfin rigolo je m'entends, disons que c'est curieux / intéressant / interpellant.

Samedi soir, donc, 22h. Après 2h d'attente, entrent en box un petit garçon d'environ 3 ans, sa maman, sa tata (qui fait l'interprète, maman ne parlant pas français). Motif de consultation : standard. Il tousse, il a de la fièvre, il mange pas, on a vu le docteur hier, il a donné ça (sac de pharmacie rempli de Doliprane, sirop quelconque, antibio) mais ça passe pas.
Des comme ça, y en a tout le temps, tous les jours, ça agace parce qu'on finit par les renvoyer chez eux avec le même traitement (voire un antibiotique en moins) sauf que là, je sais pas, ça n'y ressemblait pas. Peut-être l'angoisse manifeste écrite sur le visage de maman qui ne pipait pas mot, contrastant avec un gamin ma foi plutôt en forme, en train de défoncer le papier de la table d'examen...
Commence l'interrogatoire ponctué de pauses pour les aller-retours tata-maman "ça fait deux jours, son frère tousse un peu aussi", "ce matin ça allait mieux mais là, elle le trouve très fatigué" "elle trouve qu'il a maigri aussi"...
Commence l'examen tant bien que mal et pendant que je palpe le ventre en demandant s'il a mal quand il fait pipi, voilà tata qui lâche "on a un neveu à qui on a trouvé un diabète y a pas longtemps, aussi"
*TILT*
Je regarde maman "Vous avez peur qu'il ait le diabète aussi ?" Grand regard implorant. "Il boit beaucoup ? Il fait beaucoup pipi ?" Non, non, il n'a pas faim ni très soif d'ailleurs. "Dans le diabète, les enfants boivent beaucoup et font beaucoup pipi." Tata répond "On sait, mais elle le trouve maigre et fatigué et chez mon neveu c'est comme ça que ça a commencé..." Ici perce une peu d'inquiétude dans la voix jusque là très égale de la tata. "Et c'est pour ça que vous venez ?" Aveu presque soulagé dans les yeux de la maman.

Cinq minutes et une bandelette plus tard, il n'y a pas de diabète : la fièvre, le manque d'appétit, la fatigue deviennent d'un coup plus supportable.

Bon, ben effectivement, ils n'avaient pas vraiment grand chose à faire aux urgences, mais quand même, j'ai l'impression d'avoir été utile sur le coup.