jeudi 27 juin 2013

La fin

Après 7 ans passés dans le service, je vais donc changer d'air.

Depuis que c'est officiel, mille petites choses ont changé, des petites choses que j'avais plus ou moins notées lors de mes grossesses, mais un peu amplifiées (car quelle que soit la durée du congé mater, il n'est pas définitif, et ne signe qu'une parenthèse...)

- Je note davantage tous les petits dysfonctionnements, tous ces petits ratés du quotidiens avec lesquels "on fait" d'habitude, parce que c'est comme ça tous les jours, et qu'on va pas gaspiller son énergie à se battre contre des moulins. Mais rien qu'avec le recul que donne l'idée de bientôt partir l'oreille sourde de PetitCollègue, la léthargie de la surveillante, les questions pièges de CollègueStressée sautent soudain au visage.

- En même temps, ça me touche moins. Forcément. Tout ça, bientôt, ne sera plus mon problème. Ca rend supportable ce qui rapidement serait agaçant.

- Je n'ai jamais rechigné à la tâche, et je dépanne plus souvent qu'à mon tour, sans trop râler. Mais une petite partie de moi, quand même, se dit un peu sournoisement qu'ils vont bien en ch** quand je serai plus là.

- J'identifie bien plus clairement les patients qui m'inquiètent, et ceux dont je sais que ça va aller. Ce n'est pas toujours évident d'ailleurs, de passer le relai. En néonat, on partage des moments très forts avec les parents, et on accompagne l'enfant de son premier souffle à toutes ses autres premières fois (premiers sourires, premiers pas, premiers mots...) Même si on dit "Je m'en vais, mais le Dr Machin vous reverra", on sait tous que ça ne sera pas tout à fait pareil. C'est plus facile quand ça va bien. Mais j'ai un peu le sentiment d'en laisser d'autres dans la difficulté.

- Le chef de service ne m'adresse pour ainsi dire plus la parole. Il ne me fait pas ouvertement la gueule, non, et il m'a même tenu un joli discours sur "je comprends tes motivations, blabla"... Mais n'empêche, on dirait bien qu'il fait déjà un peu comme si j'étais déjà plus là. (Enfin sauf pour les gardes. Là, j'existe jusqu'à la dernière heure de mon dernier jour...)

- Je commence à avoir un peu peur. Je me demande combien de temps il me faudra pour être aussi naturellement invitée à partager le café des infirmières, si tout le monde va me vouvoyer, combien de temps il faudra pour que les conversations ne s'éteignent pas d'un coup à mon approche.
Je regarde mon petit calepin où j'ai précieusement noté les noms et numéros de tous les correspondants qui ne me serviront plus, et je me dis que je vais devoir recommencer à zéro sans savoir à qui adresser tel ou tel enfant pour tel ou tel problème.
Je suis déjà fatiguée à l'idée de devoir répéter x fois "je suis la nouvelle pédiatre" avec un sourire un peu niais. Avec un peu de chance, mes presque 40 ans m'ont enfin rattrapée et on ne me prendra plus pour la petite interne ou l'étudiante infirmière... (Très bon test de personnalité, soit dit en passant. J'ai quelques souvenirs jubilatoires de certains médecins SAMU s'adressant à moi comme à une merde et terminant par "il est où ton chef?" *Grand sourire innocent* "C'est moi..." "Ah, euh, vous faites jeune. Alors euh... il est stabilisé, blablabla..." J'ai pas beaucoup d'estime pour les gens qui ne respectent que les chefs)

Enfin voilà. Au fil des jours, des mois, des ans, on se fait comme un manteau d'habitudes, un ensemble de petits repères qu'on enfile pour se tenir chaud, qui étouffe peut-être parfois, mais qui réchauffe et qui rassure aussi. Ces derniers temps, j'ai un peu l'impression de tirer tranquillement sur le fil qui dépasse...


mercredi 5 juin 2013

Le don

Faut se rendre à l'évidence, j'ai un don.
Comme une sorte de fluide, un truc qui m'arrive tout naturellement. Je suis pas la seule à le dire, presque toutes les puer de mater (les infirmières puéricultrices de maternité, pour les non initiés :) sont d'accord avec moi.
Y en a que ça fait rire, y en a qui trouvent ça pratique, d'autres qui disent que je devrais jouer au Loto.
N'empêche, sur un jour comme aujourd'hui où j'ai vu pas moins de 17 nouveaux-nés, c'est un peu lourd.

Faut se rendre à l'évidence, j'ai un fluide : suffit que je les effleure du doigt, le méco est pour moi !