vendredi 27 juin 2014

Syndrome de la maman Lambda

Je ne sais pas si ça n'arrive qu'à moi, je suis atteinte du syndrome de la maman Lambda.

C'est à dire que quand le panaris de Dragon1 de pas jo-jo devient moche puis vraiment moche malgré mes soins dévoués et que je me résigne à lui faire une ordonnance d'antibio, je suis incapable de le dire à la pharmacienne.
A la place, je réponds sagement à toutes ses questions ("oui, je connais", "non, il n'a pas d'allergie"), je hoche doucement la tête quand elle me détaille sur la boite le 3-fois-par-jour-avec-la-pipette, et je dis poliment "Merci madame" en repartant...
J'ai jamais été fichue de claquer ma carte de médecin sur le comptoir en hurlant à la cantonade "Vous me mettrez deux flacons de Machin !" (il parait qu'on peut le faire, hein, que même sans le sésame magique du petit papier tamponné ça marche... J'ai jamais vérifié, je sais pas...)

Pour ma défense, à ce jour, seulement deux personnes ont tiqué que le nom du docteur et le nom de la Carte Vitale était identiques (et là, oui, j'ai rougi un peu et avoué que j'étais médecin)

Je ne sais pas pourquoi au juste. C'est pas une honte, je fais rien de mal. Je ne pense pas abuser d'un système où la seule chose que je gagne c'est ne pas avoir à prendre rendez-vous. Juste, je veux pas me démarquer.

Et puis c'est assez marrant des fois, je me souviens avec émotion de mon premier bain en maternité, où l'élève auxiliaire m'expliquait avec grand sérieux des tas de choses que je savais déjà sur les bébés, mais que quelqu'un prenne le temps de le faire pour moi, ça m'avait curieusement touchée.

Des fois je me demande si je suis pas un peu cruche, de jouer comme ça à la maman Lambda...

mercredi 25 juin 2014

Syndrome d'épuisement professionnel... et familial

Aujourd'hui, mes 39°C, mes grosses amygdales ma petite tension et moi restons à la maison. C'est rien qu'une bête angine (enfin, au moins une angine d'homme quand même) mais c'est la troisième en 2 mois, moi qui n'avait rien fait de bien méchant depuis ma première année d'internat...
J'ai même été consulter, c'est dire ! Et la jeune généraliste que j'ai vu a hoché la tête avec un peu de peine dans les yeux quand je lui ai expliqué mon rythme de vie.

Est-ce lié, ne l'est-ce pas, depuis que Monsieur Dragon a failli nous emmener tous en Irlande, je me pose des questions sur mon exercice professionnel. Finalement, passé le premier choc, je crois que j'aurais été soulagée de devoir pour un temps être mère au foyer. M'arrêter de bosser.

Ca ne fait pas encore un an que je suis arrivée à NouvelHôpital que déjà je déchante... Les beaux projets qu'on me faisait miroiter n'ont pas vu le jour, les choses qui marchaient bien ne marchent plus l'administration refusant de financer 1/2 poste d'infirmière 5 jours / semaine, les gardes s'enchainent, les périphéries se désertifient et il ne se passe presque plus un jour sans que nous mutions à GrosCHU parce que le radiologue peut pas faire l'echo / l'anesthésiste refuse d'endormir / le psy a démissionné et personne pour le remplacer.
Je vois pas comment ça peut mieux aller. Je comprends pas qu'on nous harcèle pour 3 RUM (Résumé Unité Malade : ça veut rien dire, c'est juste des codes à mettre dans des cases pour que l'hôpital soit payé) en retard, et qu'on réponde à nos difficultés par "Parlez-moi en euros..."
Je veux dire tout le monde est d'accord que la nouvelle gouvernance c'est une catastrophe, mais chaque mesure prise ne fait que couler le navire un peu plus vite...

Et puis la ministre, elle a dit qu'il fallait que chaque enfant ait un médecin traitant. En pratique, je pense que c'est déjà le cas pour bon nombre d'entre eux. Pour les autres, je ne sais pas si avoir un MT ou le tiers payant généralisé les empêchera de venir engorger les urgences avec leurs bobos...
Du coup, ça me trotte dans la tête, de m'installer. Plus de gardes, plus de week-ends, plus de jonglages de ouf entre mon planning, celui de M. Dragon et ses déplacements, celui des GrandsParents Dragon.
Décider de mes horaires, même si ça veut dire gagner moins.
Après, c'est une autre activité. Un rythme sans doute beaucoup plus soutenu dans la journée, en tous cas plus régulier, de grosses journées en hiver. L'impossibilité d'appeler les collègues pour leur dire que ton 39 et toi vous restez à la maison. Plus de néonat même si je peux continuer le suivi de prémas par le biais du réseau de périnatalité. Davantage de suivi, de vaccins, de nez qui coulent.

Qu'est-ce que ça apporte un pédiatre en ville ? Quand on lit tweeter, quand on parle à des internes en MG, on dirait qu'un pédiatre de ville c'est jamais qu'un MG qu'aurait fait l'impasse sur tout le reste du programme.
M'enfin quand même, je m'interroge. Je reçois toutes les semaines des enfants adressés par leur MT en consultation, c'est bien qu'il y a des points sur lesquels on peut aider, non ? Ou est-ce qu'en passant libéral on devient Méchant Spécialiste juste bon à réclamer plus de sous pour la même prestation ?

J'ai pas encore franchi le pas. Je le franchirai, je pense, tôt ou tard, parce que je ne supporterai plus longtemps les instances hospitalières.
Je réfléchis à la pratique que je voudrais. Je me demande si la Maison de Santé Pluridisciplinaire d'à côté m'accueillerait à bras ouverts ou me refuserait tout de go parce que je viendrais voler les patients des gentils généralistes déjà présents.
J'y pense la veille de mes gardes, j'y pense les week-ends où je laisse M. Dragon qui fait la gueule et les dragonnets qui pleurent, j'y pense quand je dicte un courrier qui ne sera jamais lu mais qu'il faut que je le fasse quand même, j'y pense quand les mamans me demandent "mais vous, on peut pas vous revoir le mois prochain ?", j'y pense quand une jeune médecin généraliste installée hoche tristement la tête devant la presque vieille que je suis dont le système immunitaire n'arrive même plus à faire face à un bête streptocoque...