{Billet perso, à visée cathartique}
Dimanche matin, il fait beau. Dragon1 joue dans le jardin. Dragon2 a un peu faim, et comme il est 10h et que le repas est loin, je lui donne un demi pain au lait, avec des pépites au chocolat dedans. On sort sur la terrasse, mais il rentre dans la maison peu après, pain au lait et camion à la main.
J'ignore ce qui m'a fait me retourner. Sans doute un borborygme. Plus de traces du pain au lait et Dragon2 fait de gros efforts pour vomir. Ma première réaction fut "Fait chier, il en a encore trop avalé d'un coup". Je l'attrape, je le penche en avant "Crache, crache !"
Silence.
Regard paniqué et silence.
Je lui ouvre la bouche : rien.
Et là, j'ai peur. Vraiment. Il continue à s'agiter, les larmes coulent, ses yeux m'accrochent, toujours aucun son et ses lèvres bleuissent tandis que ses joues pâlissent. Que faire ? Appeler le 15 ? Pas le temps.
Je le pose sur la table de jardin, devant moi, les deux poings sous le creux xyphoïdien, et je pousse, vite et fort, vers le haut.
Je ne vois pas son visage, mais pour la première depuis 30 ou 40 très longues secondes, je l'entends pleurer. C'est étouffé mais ça sort, et donc ça rentre aussi. Il respire. Je respire aussi.
Il m'a fallu ensuite deux tentatives, en y rentrant l'index entier, pour réussir à l'attraper et le sortir, ce p*** de bout de morceau de brioche compactée de mes deux, agrémenté de pépites de chocolats et de filets de sang.
Et voilà. Il ne s'est pas écoulé une minute, Dragon2 est rose, il pleure, ses petits bras me serrent fort, sa tête est dans mon cou, mes jambes ne me portent plus et mes surrénales viennent de griller 3 années d'un coup.
Ce que j'en conclus :
- Que dans l'urgence, c'est le sous-cortical qui prime, et c'est bien mieux comme ça.
- Que j'aurais jamais cru que mon premier Heimlich ce serait sur un de mes enfants.
- Que même en sachant pertinemment qu'il allait bien, j'ai quand même été raconter mon histoire à mon collègue de garde, parce que ce temps "post-critique" aux urgences est une nécessité. (Je ne l'ai jamais fait, mais je l'ai vu faire : ne jamais banaliser, même une bête convulsion fébrile).
- Que la vraie vie tient parfois à d'infimes détails : un pain au lait, 5 ou 6 mètres, quelques minutes...
Déjà le souvenir en est flou, comme si la résilience avait mis l'accent sur "oubli accéléré". Oublions. Oublions ce visage paniqué aux lèvres violettes dont aucun son ne sort, oublions que l'impensable peut se produire à n'importe quel moment, et surtout surtout, oublions les pains au lait.
Warf! Ca envoie de l'adrénaline ton billet et cet événement. Tu le racontes bien. Je découvre ton blog à l'instant via Twitter. Je le me le garde pour plus tard, ce soir quand j'aurai plus de temps pour traîner sur le net. Merci pour ce partage!
RépondreSupprimerOui, comme dit en intro, j'ai eu très peur, et besoin d'évacuer tout ça ! Merci pour le retour en tous cas
Supprimer