La pédiatrie c'est la vie, c'est être la première à féliciter un papa qui vient de connaître sa première frayeur de papa, c'est la naissance, l'espoir, le commencement.
Hormis quelques spécialités très pointues (ophtalmo, dermato peut-être, médecine du travail), je ne crois pas qu'il y ait de branche en médecine où l'on soit si peu confronté à la mort.
Et pourtant, comme le soulignait Robert Merle*, la mort est là, et elle gagne toujours à la fin.
Toutes les morts sont tristes, mais elles revêtent un caractère encore plus tragique, encore plus injuste, quand elles touchent un enfant.
En tant que médecin, reste toujours cette interrogation lancinante "Qu'aurais-je pu / du faire de plus ? Y avait-il un moyen de le sauver ?"
En tant que maman, c'est faire face à la douleur d'autres parents, c'est se prendre dans la gueule cette réalité qu'on occulte que nos petiots peuvent partir à tout moment, c'est enfouir au fond de soi cette toute petite pensée égoïste et coupable "plutôt elle que moi" et avoir hâte de rentrer serrer ses petits chauds et vivants contre soi.
C'est faire face à son impuissance et devoir l'accepter.
C'est tellement dur d'accepter la mort d'un enfant, ce n'est pas dans la nature des choses, c'est pas comme ça que le monde devrait tourner.
Certains parents n'y parviennent pas, se retournent contre l'hôpital dans leur souffrance, demandent réparation, obtiennent des jugements.
Quel drôle de métier que celui de juge qui doit déterminer à combien s'élève la valeur de la vie d'un enfant, et le préjudice moral subi par un bébé confronté à la perte de chance de poursuivre sereinement ses jours... Comment peut-on mener des discussions de marchands de tapis sur la somme à verser pour le décès d'un enfant :
"- je t'en offre tant.
- ah non, il est tout petit, il savait même pas qu'il vivait.
- bon alors va pour tant... "
Ca me choque au plus haut point.
*"Ce combat perpétuel et malheureux du médecin contre la mort qui est l'état du médecin, et je crois, son honneur" Fortune de France.
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